par Alfred, la famille Malacarne reste fidèle à sa tradition d’accueil
et de qualité à travers les âges.
Suivez-nous dans cet émouvant voyage au fil du temps.
Depuis bientôt cent ans, la très élégante Ruhl Plage vit au rythme d’une saga familiale riche de professionnalisme, de passion et d’une personnalité parfois salée. Héritage génétique…
Ruhl et Malacarne. Deux noms incrustés l’un dans l’autre sur dentelle d’écume. Bercés ensemble par le grelot cliquetant des galets. Roulés par une vague sentimentale pleine d’azur dans les yeux.
« Nous sommes là depuis bientôt cent ans. C’est notre maison. »
La maison de Claudine, Robert, Marie-Jo, Fabien, Thibault, Romain. La maison fondée par de sacrés personnages. Un passé au tempérament bien trempé, rejaillissant sur le présent, tel un bouquet d’embruns au parfum iodé tenace. Qui insuffle une atmosphère… « Une âme, murmure Claudine. Et nous voulons garder tout ça. »
ALFRED, LE FONDATEUR
« Tout ça » débute dans les années vingt, grâce à Alfred, grand-père de Claudine et Robert. Sportif, champion de lutte gréco-romaine. Fondateur de l’OGC Nice en 1904 avec son frère Charles (à l’époque il n’y est question que de lutte, poids et haltères. « Le foot viendra plus tard, sous l’influence du capitaine des pompiers Maria », précise Robert).
En 1904 Alfred, ex-apprenti maçon, est portier à l’hôtel Ruhl, sur la Promenade des Anglais. Le patron, Monsieur Martinez décide de créer une plage. En face. « Tu veux t’en occuper ? » lance-t-il au portier. Marché conclu. La gestion des galets est alors sommaire : une pergola, des cabines de part et d’autre. Basta. « Pour avoir un sandwich ou une boisson, il fallait traverser la Prom’, en l’occurrence, un chemin, et aller les acheter au bar Le Savoy, ancêtre du Balthazar. Ici, il n’y avait pas de stock. Ni de facture. Juste deux employés… »
Au bout de trois ans, Monsieur Martinez propose à Alfred de reprendre la plage. Ce dernier lui rachète ses parts grâce à l’argent de sa femme. « Ma grand-mère, Carmen, d’origine pied-noire et espagnole, tenait La Cave niçoise, un petit troquet rue Masséna, à l’emplacement de l’actuelle de la Maison de Marie. » Le bistrot est vendu. Les époux mettent 4 ans pour payer l’établissement moyennant 20 000 francs d’alors.
LE MODERNISME SORT DE L’EAU
En 1930, le maire, Jean Médecin, crée la Promenade actuelle. Il fait tout casser, creuser des alvéoles destinées aux futures concessions de plages. Les Malacarne transfèrent provisoirement leur enseigne à Beau Rivage puis récupèrent leur concession métamorphosée, dans laquelle ils vont vivre jusqu’en 1959 en louant serviettes et planches.
Avant que n’arrivent matelas, ski nautique, parasols… La clientèle étrangère raffole de l’endroit. Mais l’azur s’obscurcit : voilà les nazis. Ils réquisitionnent la plage, la transforment en dépôt de munitions, et la font exploser en 1945.
ALPHONSE, TOUT UN POÈME…
La houle de la guerre s’apaise enfin. Alphonse, fils d’Alfred et de Carmen, prend les commandes. Ruhl plage tombe aux mains de la statue du commandeur ! Qui possède également Le Christies, bar américain de la Belle Époque. qui va devenir également, pour le franc symbolique, propriétaire des Bains de la Plage (actuelle Blue Beach), qu’il revend en 1956 à la famille Burdin.
L’expansion ne s’arrête pas là. Dans les années 60, L’Aquarium, modeste plage voisine, rejoint elle aussi, le patrimoine balnéaire des Malacarne. « Mon père n’avait pas obtenu l’autorisation de mettre des barrières. Il se heurtait au refus du préfet Moatti, car il n’était pas gaulliste, mais médeciniste. Cependant, on mettait quand même des matelas et on exploitait la plage », se souvient Robert. Plage cédée quelques années plus tard afin de racheter L’Albert’s Bar, resto mythique de la piétonne, abritant fauteuils club ainsi qu’un « bar en acajou venant du paquebot France ». De 1981 à 1989 Claudine et Robert y ont accueilli une clientèle ultra chic aussi plaisante que courtoise.
Jeune, Alphonse aurait pu s’appeler Adonis. Une merveille. Corps d’athlète. Visage d’acteur. Le type irrésistible, dont il ne faut surtout pas tomber amoureuse. « Il adorait les femmes. Il a eu une vie mouvementée », a confié un jour Robert, évoquant les frasques paternelles avec tendresse. Comment en vouloir à un si bel homme ? Habité, en outre, d’une belle âme. « Notre père a caché des Juifs à la plage, enchaîne Claudine. Il a également sauvé un diamantaire alors qu’il était dans un autocar montant à Auron et assiégé par la Gestapo. Il parlait couramment l’allemand et savait manipuler l’occupant. »
Car il avait non seulement un jolie gueule, mais également très grande. « Il était direct. D’un culot monstre. Mais possédait aussi beaucoup d’humour. »
Complétons la panoplie par la générosité, le sens de la parole et de l’amitié, la pugnacité, la rancune tenace, le goût du luxe. Un type entier. Animé par l’envie de construire. « Le vieux » comme l’appelle affectueusement Robert, travaillait dans l’immobilier. À ce titre, il réalisa Riviera Park, Riviera Plage…
À la fin des années soixante, lorsque l’hôtel Ruhl fut à vendre un million de francs, il entama les démarches afin de l’acquérir, car il possédait les liquidités nécessaires. « Malheureusement, l’État fit jouer son droit de préemption. »
Au crépuscule de sa vie, éclaboussée des flots de tribulations, Alphonse Malacarne, venait tous les jours à la plage. Il s’asseyait près de la porte. Avec sa canne et sa toujours fière allure. Une semaine avant son décès, en 1999, à l’âge de 93 ans, il était encore le pilier de Ruhl Plage. Quasiment mort sur scène comme Molière.
PRESTIGIEUX PATRIMOINE
Les générations de niçois et touristes étrangers se succèdent sur l’emblématique plage à quelques mètres de là, mais en décembre 1959 elle est totalement ravagée par un coup de mer digne d’un film d’épouvante.
« On a tout refait avec un côté bateau selon les plans de l’architecte niçois Georges Margarita. » Du bois, du cuivre, des pierres, des cordages, de la déco de bon goût, des fauteuils surélevés comme sur un pont : 1500 m2 d’élégance, de professionnalisme et de passion familiale.
Désormais une institution pour tous les niçois.
CLAUDINE & ROBERT
ENTAMENT LE XXIème SIÈCLE
Plagistes retraités, mais pas en retrait. Claudine et Robert pourraient très bien se la couler douce à la maison. Ce scénario-là ? Même pas en rêve ! Présents encore et encore. D’ailleurs, si le frère et la sœur passaient vraiment la main, il manquerait quelque chose à cette plage, où tout est toujours tiré au cordeau.
Claudine veille toujours au grain ! « J’y suis, j’y reste », c’est vital pour Claudine, qui a commencé en 1958. Toujours impeccable. Toujours en chemise blanc neige. Former les nouveaux saisonniers (« Ne dites pas bonjour, mais bonjour Madame ou Monsieur. »), l’œil et l’oreille partout, beaucoup de rigueur, et sachant donner de l’importance aux détails. Cela ne l’empêche pas d’être attachante et d’adorer son métier : « Ici, j’ai vu passer des générations. Nos clients sont si agréables. »
Robert « il est cool »… jusqu’à un certain point. Aux antipodes de sa sœur. Bien sapé par Albert Goldberg, chapeau à larges bords sur la tête, sourire blagueur permanent. Il sait redresser la barre du vaisseau et a fait de Ruhl Plage, un bijou, invitant l’art hors des batardeaux, imposant l’uniforme marin à son personnel. Lui aussi, charnellement et affectivement attaché à sa plage. À cause des souvenirs d’enfance, du grand-père, de la grand-mère, du père, « qui ont mis tout leur cœur dans la réussite de cette affaire ».
LA BELLE MARIE-JO ET SA VIRILE TRILOGIE POUR PLONGER DANS L’AVENIR
Affaire, dont la vraie gérante aujourd’hui, est Marie-Jo, l’épouse de Robert. Blonde, les yeux clairs. Le genre de fille qu’on remarque. Une beauté froide. Mère de trois garçons, dont deux déjà bien implantés dans cet égrégore, qu’ils ne veulent pas plagier, mais orienter via leur esprit et la jeunesse de leur temps.
Fabien, Master II de finance, s’occupe des achats, des congrès, des soirées. « Il a géré la terrible nuit du 14 juillet de main de maître », souligne son père. Très lié à la plage, « il mène également sa carrière dans la finance ».
Thibault, bac « pro » à Paul-Augier. Excellent contact avec les clients. « Il connaît tout le monde », souffle sa tante avec admiration. Ses projets immédiats le poussent à se parfaire à l’anglais et se spécialiser dans l’hôtellerie.
Et Romain, le cadet qui a fini sa scolarité « veut être boulanger », pour le moment…